Bilan Luxe Presse

Et de 3 pour Ana Roš à Hiša Franko !

Pour Bilan Luxe, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec la cheffe Ana Roš, lors d’un repas caritatif gastronomique organisé au château Schauenstein à l’initiative du chef Andreas Caminada en octobre 2021.

Ana Roš est une femme de caractère, lumineuse et inspirante. Sa cuisine est à son image, singulière, savoureuse et audacieuse. Particulièrement déroutante, pleine de partis pris, elle m’a laissée admirative. Chaque bouchée est une plongée dans ses racines, sa Slovénie – que je connais trop peu. 2023 est l’année de la consécration de son talent et de celui de ses équipes à Hiša Franko. Une récompense pour son engagement et pour tout ce qu’elle représente dans le monde de la grande gastronomie. En abritant une table 3 étoiles, la Soča Valley devient officiellement l’étape incontournable de tous les gourmets du monde. Čestitke !


Octobre 2021 Rendez-vous au château Schauenstein, sa table réputée, son histoire, la beauté des Grisons, le temps d’un dîner 8 étoiles [9 étoiles désormais] à 6 mains… Andreas Caminada, chef aux 3 macarons et 19 points, invitait dans ses cuisines de Fürstenau les brillantes Clare Smyth et Ana Roš, deux des meilleures cheffes au monde. Ils y joueront ensemble une partition gastronomique de très haute volée en faveur de la fondation Uccelin, créée en 2015 par Andreas et Sarah Caminada.

Retour sur un dîner caritatif exceptionnel et la rencontre d’Ana Roš, une cheffe slovène autodidacte extraordinaire.

ACCOMPLISSEMENT D’UNE VIE

Exceptionnels et inspirants, nous aurions des leçons à tirer de ses accomplissements en tant que cheffe. Ana Roš, à la tête d’Hiša Franko, sa table 2 étoiles [3 étoiles en 2023] Michelin à Kobarid en Slovénie, élue meilleure cheffe du monde en 2017, fait figure d’exception dans ce monde réputé difficile et fermé de la haute gastronomie. Femme, slovène, maman, pure autodidacte de surcroît, elle prendra la décision de sa vie un beau jour d’été 2002 – au grand dam de ses parents : se placer derrière les fourneaux du restaurant familial de son ex-mari avec la ferme intention de mettre le terroir et la nature de la Soča Valley à la carte d’Hiša Franko. Une intuition. Une folie. Un défi de taille pour celle qui se prédestinait avec brio à une carrière de diplomate à Londres. La foi en ses projets, en son âme créative, en son insatiable curiosité ; l’inconscience parfois de tenter ce qu’on pense d’abord impossible et réussir. Exceller même.

À force de talent, de détermination et d’un travail acharné, menant de front tous les rôles d’une vie de femme, elle se fera une place reconnue sur la scène internationale de la gastronomie. Dix années de difficultés et de courage pour écrire l’histoire de la Maison Franko, dans ces contrées très reculées de la Slovénie, motivée par sa propre vision d’une cuisine imprégnée et engagée. « Le rêve ce n’était alors pas d’être reconnue meilleure cheffe du monde ni de décrocher les étoiles, mais bien de survivre et de pouvoir payer nos équipes et nos fournisseurs. C’était ça notre moteur pour continuer. »

Et la reconnaissance est enfin arrivée. Des doutes, des échecs et de la culpabilité « de n’être jamais assez », il y en a eu et il y en a encore. Mais ça ne fait pas le poids devant l’enthousiasme et la persévérance de la cheffe slovène. Il en faut du tempérament pour mener à bien la mission qui ne se résume définitivement plus qu’à la cuisine, mais aussi à faire accepter son statut sur ses propres terres, là où, culturellement, la gastronomie n’est de loin pas élevée au rang d’art. « En Slovénie, il me faut encore changer les regards, convaincre de la valeur de mon travail au service du rayonnement de mon pays. Hiša Franko porte une vocation sociale, économique, culturelle et environnementale. C’est plus que de la cuisine. »

VIRTUOSE DES SAVEURS

Plus que jamais ambassadrice de son terroir, les créations culinaires d’Ana Roš nous offrent à déguster le meilleur de la Slovénie. Sa cuisine, émotionnelle, inspirée, incarnée, délicate, tant équilibrée que pleine de contrastes, est faite pour perturber, bousculer. « Pourquoi ne pas tenter autre chose ? Pas parce que ça ne se fait pas mais parce qu’on ne sait pas faire. C’est pire… » À l’image de sa manière de vivre, il n’y a pas ou peu de règles établies à Hiša Franko, justement pour avoir la liberté de les redéfinir. Cette virtuose des saveurs vit en communion avec son territoire qu’elle arpente depuis des années à la recherche de l’inspiration à distiller dans ses cartes saisonnières.

Ana Roš a le chic pour instinctivement faire bouger les lignes. À l’instar de sa proposition audacieuse et réussie d’un consommé forestier relevé d’une raviole de châtaigne farcie à la viande d’ours. Les yeux fermés à la dégustation, les effluves boisées et animales nous emmènent, sans détour, au coeur des forêts slovènes. Déstabilisante et marquante, elle doit sa signature culinaire authentique à son investissement personnel, à sa soif de découvertes doublée d’une sensibilité pure, et à sa Slovénie. Un amour pour ses racines qu’elle emmène partout avec elle.

IMPOSE TON TALENT !

Pour elle, la Femme-Maman-Cheffe autodidacte, la réalité n’a pas été aussi simple pour imposer sa légitimité. Bien au contraire. Il faut encore et toujours prouver ses capacités, ses forces et son talent. C’est ainsi, surtout dans un monde masculin où la perception de la femme en tant que Cheffe est souvent mal vécue. « Toute femme à la même capacité de travail qu’un homme, le même sens de l’effort et du résultat, un talent subtil pour les associations et la capacité à réussir dans une brigade. Peut-être qu’il faudra se montrer plus dure à un moment, peut-être qu’il faudra se défendre souvent et prouver tout le temps… C’est encore ainsi que ça se passe, oui. Mais ce que je dirais aux femmes de la profession c’est qu’elles peuvent l’imaginer, qu’elles peuvent le faire et qu’elles ne devront jamais cesser d’y croire. Même si rien n’est facile et qu’il faudra travailler plus dur pour faire bouger les lignes, arrive le moment où on est respectée et reconnue à notre juste valeur. »

Et c’est ainsi qu’Ana Roš le vit aujourd’hui, entourée de sa grande famille Hiša Franko qu’elle chérit, où s’imposent naturellement l’entraide et la confiance, qui grandit dans la bienveillance et qu’elle désire plus que tout voir s’épanouir. « On ne peut pas faire de cuisine si l’on n’aime pas les gens » disait le grand Joël Robuchon. Voici-là une recette immuable que la virtuose des pianos doublement étoilée ne viendra surement pas bousculer…

www.hisafranko.com

Crédits photos : @Caroline Décima


Storyteller, Photographer

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